Rome IV

Je rencontre mon éditeur et j’arrive enfin à comprendre pourquoi c’est le festival du cinéma de Rome qui m’invite. Ils ont une section destinée aux enfants et dans cette section un prix sera attribué à un film et un autre à un livre ayant à voir avec les enfants. Il se trouve que Cronache Birmane est sélectionné. Nous sommes 4 et je suis la seule bd du lot.

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Aujourd’hui, je rencontre le jury qui décidera du gagnant. Je me retrouve devant deux classes d’étudiants de 14 ans. Ils ont tous lu mon album et avec l’aide d’une traductrice, je me présente et réponds à leurs questions. Ils sont très sages et très appliqués dans leur fonction de juré.
Vient le temps de terminer et de faire une ou deux signatures. Lorsqu’on se rend compte que j’accompagne ma signature d’un dessin, je me retrouve entouré d’une cinquantaine de Cronache Birmane ouvert à la page de garde. Et c’est à qui jouera le plus du coude pour se faire immortaliser sa copie avant l’autre. Devant cette cohue, on m’installe dehors sur une table à café branlante. Le livre posé sur les genoux et avec le soleil qui tape, je m’exécute avec application. J’ai chaud, j’ai soif et au bout d’une cinquantaine de dédicaces, j’en ai ma claque. Mais bon, je me dis qu’avec un petit contact personnel avec chacun d’entre eux, je mets toutes les chances de mon côté pour le prix.
Finalement, pas du tout, j’ai perdu. Je l’ai appris à mon retour, une semaine plus tard. Dommage, il y avait aussi une enveloppe de 5 000 euros pour l’heureux élu.

En voiture

Me voilà l’heureux propriétaire d’une voiture. Enfin, quand je dis voiture je suis généreux. La clim est cassée, la portière du côté conducteur ne se ferme pas automatiquement et par mauvais temps il pleut sur la banquette arrière. Mais bon, elle roule, c’est tout ce que je lui demande et j’espère qu’elle tiendra encore un an.

La conduite à Jérusalem n’est pas de tout repos. Ça m’a rappelé une vieille blague : Quelle est la définition de la nanoseconde à New-York ? C’est le temps écoulé entre le feu qui passe au vert et la voiture qui klaxonne derrière toi. On peut remplacer New-York pour Jérusalem et on a une juste description de l’ambiance sur les routes ici.

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Les chats

Notre quartier est infesté de chats. On dirait des rats. Rien à voir avec ceux de la vieille ville qui déambulent mystérieusement dans les arrières cours. Ici, ils passent leurs journées à rôder autour de ces grosses bennes posées aux coins des rues et qui font office de poubelles géantes. Les habitants de l’est de Jérusalem payent les taxes municipales comme tous les autres citoyens de la ville mais malgré cela, ils n’ont pas droit au service de ramassage des déchets. Ils doivent se débrouiller. Ce qui nous donne ce système de containers pas très pratique et pas esthétique du tout.
Et pour une raison qui me dépasse, la moitié des ordures se retrouvent par terre. Les chats, au milieu de ce spectacle désolant, se battent entre eux pour un bout de gras. Je vous laisse imaginer l’odeur et la tête de ces bestioles. “Ah non, les enfants! On ne caresse pas les chats. Revenez par ici !”

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Dans un autre pays, on aurait des chiens pour nous nettoyer tout ça mais dans le monde arabe, les chiens sont encore moins appréciés que les chats. Je me demande bien pourquoi ? Il faudra que je pense à poser la question à mon voisin de palier la prochaine fois que je sortirai les poubelles.

Un vendredi à Qalandya

Au détour d’une rencontre au supermarché du coin, je suis invité à suivre quelques vieilles dames de Tel Aviv qui chaque semaine font acte de présence dans les divers checkpoints de la Cisjordanie. Leur organisation, MachsomWatch, milite contre la répression systématique de la nation palestinienne. Ils se rendent sur place et font état de ce qui se passe sur leur site web, en bon français, du monitoring.
Habituellement, les vendredis de Ramadan, ça chauffe. Beaucoup de musulmans veulent aller prier à la grande mosquée de Jérusalem. Seulement les autorités israéliennes ne laissent passer que les femmes de plus de 45 ans et les hommes de plus de 50 ans, m’explique une de ces dames.
Bon, pourquoi pas, ça me sortira un peu de chez moi. Nous partons.
Je vois le mur pour la première fois.
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A l’entrée du checkpoint de Qalandya (à 10 minutes de chez moi), on croise d’autres groupes d’observateurs : l’ONU et le World Council of Churches, qui nous expliquent qu’il y a eu des bousculades tôt ce matin mais que là, c’est calme. On passe de l’autre côté à pied. Ça grouille de monde. Derrière une grille installée à l’entrée du stationnement, une foule de Palestiniens se presse. En face, les gardes-frontières en noir, les militaires en vert et les forces spéciales en bleu laissent passer au compte-gouttes les happy few. Les femmes passent à gauche, les hommes à droite. Au milieu de tout ça, une ribambelle de photographes, de caméramans et de journalistes qui se déplacent d’un côté comme de l’autre. Quelques voix de protestations s’élèvent par-ci par-là, mais que faire devant un tel déploiement de force ?
Le soleil cogne, je me félicite d’avoir emporté de quoi boire et de quoi me protéger des UV. Pendant deux heures, j’ai le temps de faire le tour de ce curieux théâtre où pas grand chose ne se passe.
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J’achète à un petit vieux une bouteille en plastique d’un litre remplie de cornichons. Je décline les feuilles de vignes, je vois vraiment pas ce que j’en ferais. Soudain les femmes palestiniennes se mettent à crier et à reculer précipitamment. Du gaz s’échappe. Les soldats se déploient, il y a comme un début de panique. Je suis heureusement du bon côté de la barrière. Des cailloux tombent à mes pieds, je n’en crois pas mes yeux. Je recule. Dans le ciel, j’en aperçois des plus gros encore qui se dirigent vers moi. Je me retranche du côté des journalistes, il est clair maintenant que ce sont les soldats qui sont visés.
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Le checkpoint est maintenant fermé. Des soldats répliquent aux lanceurs de cailloux par une série de bombes à gaz. Ça fait une sacré détonation, c’est assez impressionnant. Le vent ramène la fumée vers nous, j’ai les yeux qui piquent. Impossible de voir où sont planqués les assaillants. Il y a des gros bus stationnés plus loin, probablement derrière. D’autres cailloux s’envolent. Les soldats s’avancent pour les débusquer. L’affrontement dure une bonne demi-heure. Pendant ce temps, la foule qui a reculé patiente, les photographes s’en donnent à cœur joie et, de mon côté, je me dis que ces cornichons commencent à peser lourd dans mon sac. Au travers de tout ce remue-ménage, un homme se promène avec sa corbeille de pain qu’il vend à la criée.
Un Palestinien a été blessé à la tête, une ambulance stationnée pas très loin le prend en charge. Le checkpoint est de nouveau ouvert mais il est bien trop tard pour arriver à temps pour la prière. L’amertume se lit sur les visages, les gens retournent chez eux, bredouilles. Moi qui voulais me changer les esprits, j’en ai eu pour mon argent.
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Très bon.

La porte de mon immeuble

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Dans mon immeuble quand on passe par la porte du rez-de-chaussée, on déclenche un petit appareil qui émet un son. C’est une phrase en arabe qui nous souhaite une bonne journée et que Allah nous protège. Il y a plusieurs versions pour éviter la monotonie. Le problème c’est que le volume est tellement fort que c’est parfaitement insupportable et inaudible.
A cela, se rajoute le crissement des gonds de la porte qui se referme comme si on étranglait un cochon. Je peux aisément l’entendre de mon salon, trois étage plus haut.
Un jour, je me suis décidé à mettre un terme à ce supplice. J’ai badigeonné d’huile d’olive là où ça couinait avec succès. Suite à quoi je me suis demandé, mais que fait le concierge ? Serait-il complètement sourd ? Enfin, il restait à s’occuper de la bénédiction à pile. Là, j’avoue, j’avais quelques scrupules. J’ai attendu un jour ou deux et j’ai fini par désactiver l’engin grâce à un interrupteur situé sur le côté. Ni vu ni connu mais au total je n”ai eu droit qu’à un demi jour de silence avant que ça ne reparte comme en 14. De guerre lasse, je n’insiste pas.
Le lendemain, ô joie! je retrouve l’objet par terre, inerte et muet. Le scotch double face n’a pas tenu, on dirait. Je reconnais bien là mon concierge.
Depuis l’objet est retourné à sa place mais il a dû souffrir de sa chute car il n’émet plus rien.

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Voici un mini-reportage sur les curiosités architecturales que j’ai pu apercevoir près de chez moi. Je crois que ça en dit long sur le quartier et les gens qui y demeurent.

Deux matériaux sont utilisés pour la construction des maisons. La pierre taillée de couleur beige pour les murs et la tuile rouge pour les toits. C’est tout. Le paysage urbain est d’une sobriété confondante. D’autres diront monotonie. Je les rejoins.

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Pour faire joli, on agrémente d’un petit toit une porte coulissante. La disproportion ne fait pas peur dans le coin.
On se demande comment ça tient ?

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Quand je vous disais qu’on utilisait uniquement de la tuile pour les toits. Eh bien, c’est aussi vrai pour les cheminées.
Pas facile pour faire tenir tout ça la-dessus.

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Manque de budget pour la sortie de secours ? Bah, tant pis, tant qu’on a la clim.

A peu de choses près

Les donations sont monnaies courante dans le paysage urbain de Jérusalem. On trouve des plaques partout qui nous explique que tel parc a été offert par la famille machin ou que telle fontaine par une autre. De la même façon, on trouve aussi des pavillons d’université, des bancs publiques et même les animaux du zoo.

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Tiens me suis-je dit, c’est Peugeot qui a sponsorisé les poubelles de la ville. Ca a du leur coûter bonbon, parce qu’il y en a un paquet. Et d’ailleurs, c’est quand même pas très malin d’associer sa marque avec une poubelle ? Curieux choix.

J’avais tout faux, je le comprends le lendemain, le lion de Judée représente la ville de Jérusalem. C’est son emblème. Ah, d’accord tout s’explique.

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A peu de choses près, c’est le même.