Le chien

Le prophète n’aimait pas les chiens, c’est ce qu’on m’écrit pour m’expliquer l’aversion des musulmans envers ces animaux. Oui, mais pourquoi n’aimait-il pas les chiens, le prophète ?

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L’autre jour, en plein ramadan mon voisin bricolait dans la cour. Un chien tournait autour de lui et comme il ne voulait pas le toucher, il demandait de l’aide auprès d’un expatrié espagnol pour qu’il le tienne à distance le temps qu’il finisse son travail. J’ai appris plus tard que ce chien appartenait à mon proprio qui se trouve être le frère de ce brave bricoleur. Contrairement à son frère, mon proprio a habité à l’étranger et, j’imagine que là-bas, il s’est habitué à leur présence. C’était la première fois que je voyais cette bête. Où pouvait-elle se trouver habituellement ? C’est alors que je compris d’où venait tous ces curieux bruits au-dessus de notre appartement. Pendant un temps, j’ai imaginé un rat mais je préférais ne rien dire pour ne pas alerter ma compagne. Donc de jour comme de nuit, le proprio laisse ce chien errer sur le toit de notre immeuble qui est construit en terrasse comme toutes les habitations du coin.
Les jours suivants, je n’arrive plus à m’enlever cette image de chien courant et grattant au-dessus de ma tête et maintenant je trouve ça insupportable alors qu’avant, je n’y prêtais aucune attention. Après une préparation psychologique d’au moins 3 semaines, je décide d’aller en parler à mon proprio. Je le trouve derrière l’immeuble en pleine construction d’une énorme cage, style chenil. Très bien, voilà une bonne initiative : fini le bruit, et cette brave bête pourra s’amuser avec les enfants du quartier. C’est là où je me fourvoyais complètement.
Depuis qu’il est descendu de son toit, ce pauvre chien reste derrière ses quatre murs grillagés. Pas une fois je ne l’ai vu ailleurs que dans cette cage. Les enfants viennent le voir comme on va voir un ours au jardin zoologique. Du haut de ma fenêtre, je jette parfois un coup d’œil pour voir s’il y a du changement mais à part le nombre de crottes qui s’accumulent, rien. Une fois par semaine, quelqu’un nettoie. Et comment s’appelle cette malheureuse créature ? LUCKY ! Ça ne s’invente pas.

Les chats

Notre quartier est infesté de chats. On dirait des rats. Rien à voir avec ceux de la vieille ville qui déambulent mystérieusement dans les arrières cours. Ici, ils passent leurs journées à rôder autour de ces grosses bennes posées aux coins des rues et qui font office de poubelles géantes. Les habitants de l’est de Jérusalem payent les taxes municipales comme tous les autres citoyens de la ville mais malgré cela, ils n’ont pas droit au service de ramassage des déchets. Ils doivent se débrouiller. Ce qui nous donne ce système de containers pas très pratique et pas esthétique du tout.
Et pour une raison qui me dépasse, la moitié des ordures se retrouvent par terre. Les chats, au milieu de ce spectacle désolant, se battent entre eux pour un bout de gras. Je vous laisse imaginer l’odeur et la tête de ces bestioles. “Ah non, les enfants! On ne caresse pas les chats. Revenez par ici !”

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Dans un autre pays, on aurait des chiens pour nous nettoyer tout ça mais dans le monde arabe, les chiens sont encore moins appréciés que les chats. Je me demande bien pourquoi ? Il faudra que je pense à poser la question à mon voisin de palier la prochaine fois que je sortirai les poubelles.

Victoria Hospital

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L’hôpital Victoria est situé sur le mont Scopus à Jérusalem. Il est destiné aux Palestiniens qui  viennent de toute la Cisjordanie pour s’y faire soigner. On y trouve en particulier des traitements destinés aux enfants, d’où le parc situé juste à côté, pour que puissent s’y divertir les plus jeunes patients. Depuis la seconde Intifada (2000) sa fréquentation a grandement chuté car son accès est devenu difficile avec les nouveaux contrôles de sécurité.

Un vendredi à Qalandya

Au détour d’une rencontre au supermarché du coin, je suis invité à suivre quelques vieilles dames de Tel Aviv qui chaque semaine font acte de présence dans les divers checkpoints de la Cisjordanie. Leur organisation, MachsomWatch, milite contre la répression systématique de la nation palestinienne. Ils se rendent sur place et font état de ce qui se passe sur leur site web, en bon français, du monitoring.
Habituellement, les vendredis de Ramadan, ça chauffe. Beaucoup de musulmans veulent aller prier à la grande mosquée de Jérusalem. Seulement les autorités israéliennes ne laissent passer que les femmes de plus de 45 ans et les hommes de plus de 50 ans, m’explique une de ces dames.
Bon, pourquoi pas, ça me sortira un peu de chez moi. Nous partons.
Je vois le mur pour la première fois.
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A l’entrée du checkpoint de Qalandya (à 10 minutes de chez moi), on croise d’autres groupes d’observateurs : l’ONU et le World Council of Churches, qui nous expliquent qu’il y a eu des bousculades tôt ce matin mais que là, c’est calme. On passe de l’autre côté à pied. Ça grouille de monde. Derrière une grille installée à l’entrée du stationnement, une foule de Palestiniens se presse. En face, les gardes-frontières en noir, les militaires en vert et les forces spéciales en bleu laissent passer au compte-gouttes les happy few. Les femmes passent à gauche, les hommes à droite. Au milieu de tout ça, une ribambelle de photographes, de caméramans et de journalistes qui se déplacent d’un côté comme de l’autre. Quelques voix de protestations s’élèvent par-ci par-là, mais que faire devant un tel déploiement de force ?
Le soleil cogne, je me félicite d’avoir emporté de quoi boire et de quoi me protéger des UV. Pendant deux heures, j’ai le temps de faire le tour de ce curieux théâtre où pas grand chose ne se passe.
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J’achète à un petit vieux une bouteille en plastique d’un litre remplie de cornichons. Je décline les feuilles de vignes, je vois vraiment pas ce que j’en ferais. Soudain les femmes palestiniennes se mettent à crier et à reculer précipitamment. Du gaz s’échappe. Les soldats se déploient, il y a comme un début de panique. Je suis heureusement du bon côté de la barrière. Des cailloux tombent à mes pieds, je n’en crois pas mes yeux. Je recule. Dans le ciel, j’en aperçois des plus gros encore qui se dirigent vers moi. Je me retranche du côté des journalistes, il est clair maintenant que ce sont les soldats qui sont visés.
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Le checkpoint est maintenant fermé. Des soldats répliquent aux lanceurs de cailloux par une série de bombes à gaz. Ça fait une sacré détonation, c’est assez impressionnant. Le vent ramène la fumée vers nous, j’ai les yeux qui piquent. Impossible de voir où sont planqués les assaillants. Il y a des gros bus stationnés plus loin, probablement derrière. D’autres cailloux s’envolent. Les soldats s’avancent pour les débusquer. L’affrontement dure une bonne demi-heure. Pendant ce temps, la foule qui a reculé patiente, les photographes s’en donnent à cœur joie et, de mon côté, je me dis que ces cornichons commencent à peser lourd dans mon sac. Au travers de tout ce remue-ménage, un homme se promène avec sa corbeille de pain qu’il vend à la criée.
Un Palestinien a été blessé à la tête, une ambulance stationnée pas très loin le prend en charge. Le checkpoint est de nouveau ouvert mais il est bien trop tard pour arriver à temps pour la prière. L’amertume se lit sur les visages, les gens retournent chez eux, bredouilles. Moi qui voulais me changer les esprits, j’en ai eu pour mon argent.
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Très bon.