Un vendredi à Qalandya

Au détour d’une rencontre au supermarché du coin, je suis invité à suivre quelques vieilles dames de Tel Aviv qui chaque semaine font acte de présence dans les divers checkpoints de la Cisjordanie. Leur organisation, MachsomWatch, milite contre la répression systématique de la nation palestinienne. Ils se rendent sur place et font état de ce qui se passe sur leur site web, en bon français, du monitoring.
Habituellement, les vendredis de Ramadan, ça chauffe. Beaucoup de musulmans veulent aller prier à la grande mosquée de Jérusalem. Seulement les autorités israéliennes ne laissent passer que les femmes de plus de 45 ans et les hommes de plus de 50 ans, m’explique une de ces dames.
Bon, pourquoi pas, ça me sortira un peu de chez moi. Nous partons.
Je vois le mur pour la première fois.
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A l’entrée du checkpoint de Qalandya (à 10 minutes de chez moi), on croise d’autres groupes d’observateurs : l’ONU et le World Council of Churches, qui nous expliquent qu’il y a eu des bousculades tôt ce matin mais que là, c’est calme. On passe de l’autre côté à pied. Ça grouille de monde. Derrière une grille installée à l’entrée du stationnement, une foule de Palestiniens se presse. En face, les gardes-frontières en noir, les militaires en vert et les forces spéciales en bleu laissent passer au compte-gouttes les happy few. Les femmes passent à gauche, les hommes à droite. Au milieu de tout ça, une ribambelle de photographes, de caméramans et de journalistes qui se déplacent d’un côté comme de l’autre. Quelques voix de protestations s’élèvent par-ci par-là, mais que faire devant un tel déploiement de force ?
Le soleil cogne, je me félicite d’avoir emporté de quoi boire et de quoi me protéger des UV. Pendant deux heures, j’ai le temps de faire le tour de ce curieux théâtre où pas grand chose ne se passe.
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J’achète à un petit vieux une bouteille en plastique d’un litre remplie de cornichons. Je décline les feuilles de vignes, je vois vraiment pas ce que j’en ferais. Soudain les femmes palestiniennes se mettent à crier et à reculer précipitamment. Du gaz s’échappe. Les soldats se déploient, il y a comme un début de panique. Je suis heureusement du bon côté de la barrière. Des cailloux tombent à mes pieds, je n’en crois pas mes yeux. Je recule. Dans le ciel, j’en aperçois des plus gros encore qui se dirigent vers moi. Je me retranche du côté des journalistes, il est clair maintenant que ce sont les soldats qui sont visés.
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Le checkpoint est maintenant fermé. Des soldats répliquent aux lanceurs de cailloux par une série de bombes à gaz. Ça fait une sacré détonation, c’est assez impressionnant. Le vent ramène la fumée vers nous, j’ai les yeux qui piquent. Impossible de voir où sont planqués les assaillants. Il y a des gros bus stationnés plus loin, probablement derrière. D’autres cailloux s’envolent. Les soldats s’avancent pour les débusquer. L’affrontement dure une bonne demi-heure. Pendant ce temps, la foule qui a reculé patiente, les photographes s’en donnent à cœur joie et, de mon côté, je me dis que ces cornichons commencent à peser lourd dans mon sac. Au travers de tout ce remue-ménage, un homme se promène avec sa corbeille de pain qu’il vend à la criée.
Un Palestinien a été blessé à la tête, une ambulance stationnée pas très loin le prend en charge. Le checkpoint est de nouveau ouvert mais il est bien trop tard pour arriver à temps pour la prière. L’amertume se lit sur les visages, les gens retournent chez eux, bredouilles. Moi qui voulais me changer les esprits, j’en ai eu pour mon argent.
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Très bon.

5 thoughts on “Un vendredi à Qalandya”

  1. Monsieur Delisle vivrait il dans un microcosme temporel décalé du reste du monde ou est ce le temps de connexion entre Israel et l’Europe… Je m’explique je fais le tour presque tous les jours sur ce blog . Ce matin je dénote un nouveau post sur les moustiques puis ce soir celui ci . Je remarque que comme les autres les dates sont plutot ancienne.
    Nous sommes pour moi le 7 novembre mais pour Delisle c’est le Mercredi 1 octobre…

    Explications ?

  2. Zut ! J’étais sûr que les feuilles de vignes allaient servir à se protéger de la fumée.

    Perdu !

  3. Stressant tout ça !

    Beau monitoring…
    Ils ont l’air bon les pickles..
    Je vais suivre ton blog maintenant.
    Ça fera un album un jour ?

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