Rome V

Gros-Jean comme devant, je quitte Rome et m’en retourne à l’aéroport. A nouveau, je me retrouve avec une série de questions à répondre au préposé à la sécurité avant de faire mon check-in. Cette fois-ci, c’est une jeune femme, plutôt mignonne, mais aussi aimable qu’un fonctionnaire chinois. A l’évocation des mots magiques : Beit Hanina, ONG et Gaza, aucune expression n’apparaît sur son visage mais je sens quand même que je ne suis pas sorti de l’auberge. On m’indique une chaise dans un coin où je suis invité à attendre. Je m’assois, une demi-heure plus tard, le chef de sécurité arrive. Il s’excuse de m’importuner mais pour des raisons de sécurité, il doit me poser quelques questions. Allons-y, le départ de mon vol approche. Je lui répète les réponses que je viens de donner à son assistante. Il a pas l’air de vraiment me croire. Pourtant, j’ai le catalogue du festival avec ma photo dedans et deux exemplaires de mon album en italien. Il veut faire une fouille corporelle mais il doit avoir mon accord. Bon, OK, allons-y pour la fouille. Derrière les comptoirs d’embarquement, on passe dans une petite pièce. Là, un carabinieri me fouille des pieds à la tête. Heureusement que ça ne va pas plus loin, j’aurais refusé. J’aperçois ma valise sur une table, ils veulent la fouiller aussi. Faites-vous plaisir. Je retourne m’asseoir, une autre demi-heure passe. Je commence à m’inquiéter pour mon vol. Le chef de la sécurité revient avec d’autres questions. Je commence à en avoir plus que marre mais je ne laisse rien paraître. “Et ça vous plaît Beit Hanina comme quartier ?” me demande-t-il. Je lui fais part de ma déception contrairement à ce que j’imaginais de Jérusalem. On marche dans les détritus, pas de parcs pour enfants, rien à y faire, mais comme les ONG doivent être du côté Palestinien de la ville, on est coincé là pour l’année. J’en rajoute un peu mais pas tant que ça. J’ai dû avoir l’air convaincant. Les traits de son visages se sont soudain adoucis, il s’est excusé du dérangement, que ce serait bientôt fini et qu’il s’occuperait bien de moi. Devais-je prendre ça comme une bonne nouvelle ? J’en doutais.
Une jeune fille vient me chercher, on passe directement à l’embarquement. On a un peu de temps devant nous, je lui demande si je suis autorisé à faire quelques courses. Pas de problème, elle me suit acheter une bouteille de Bailey’s, du fromage et un magazine. Je fais le tour de l’aéroport à la recherche d’un petit cadeau pour les enfants mais sans succès. Un dernier expresso avant d’embarquer et je lui dis au revoir. Elle me suit quand même jusqu’à la porte de l’avion. A l’intérieur, surprise, je suis en première classe. Yes! Tout est bien qui finit bien comme dirait l’autre. Sauf que je n’étais pas encore au bout de mes peines.

Aéroport Ben Gourion de Tel Aviv. Au moment de présenter mon passeport pour entrer dans le pays, on me demande d’aller patienter dans le coin, là-bas. Pourquoi ? C’est dans le coin, là-bas. Je m’assois avec un sentiment de déjà-vu assez prononcé. Un demi-heure passe avant qu’on vienne me chercher. Un homme assez âgé me pose des questions tout en remplissant un questionnaire. J’ai pas l’air de lui faire trop peur (sauf quand je lui dis que je n’ai pas de téléphone portable), l’entretien dure 15 minutes. Je retourne m’assoir, j’attends de récupérer mon passeport. Une heure passe, d’autres heureux élus se joignent à moi. Il y a une télé au-dessus de ma tête, et en face, un policier qui a l’air de faire une pause en regardant son match de foot. J’en profite pour sortir mon carnet de croquis.

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Vient enfin le moment de me rendre mon passeport. Je file récupérer mon bagage. Le convoyeur pour mon vol est vide, il ne tourne même plus. Je m’informe à la réclamation, il doit être par là-bas. Où ça ? Mais là voyons. Où ? Je fais le tour des convoyeurs, rien, je le retrouve enfin le long d’un mur avec toute une brochette de valises abandonnées. Je vais quand même prévenir de mon retard. Je trouve une cabine, cherche de la monnaie, rien dans les poches. J’ouvre ma valise, tout est sens dessus dessous. Tiens, mais le catalogue du festival est curieusement collant. C’est du miel, il y en a partout. Le petit pot que j’avais pris à l’hôtel a dû être mal replacé lors de la fouille et dans le transport, ça s’est pété. Bon, je verrai ça plus tard, je referme le tout laissant des traces partout. Je cours jusqu’au taxi-bus direction Jérusalem. Avant de partir, le chauffeur demande à chacun où ils veulent être déposés. Tout le monde y va de son quartier. Vient mon tour, Beit Hanina.
Beit Hanina ? Ah non, je dépose pas dans les quartiers arabes.
– Va fanculo.

Rome IV

Je rencontre mon éditeur et j’arrive enfin à comprendre pourquoi c’est le festival du cinéma de Rome qui m’invite. Ils ont une section destinée aux enfants et dans cette section un prix sera attribué à un film et un autre à un livre ayant à voir avec les enfants. Il se trouve que Cronache Birmane est sélectionné. Nous sommes 4 et je suis la seule bd du lot.

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Aujourd’hui, je rencontre le jury qui décidera du gagnant. Je me retrouve devant deux classes d’étudiants de 14 ans. Ils ont tous lu mon album et avec l’aide d’une traductrice, je me présente et réponds à leurs questions. Ils sont très sages et très appliqués dans leur fonction de juré.
Vient le temps de terminer et de faire une ou deux signatures. Lorsqu’on se rend compte que j’accompagne ma signature d’un dessin, je me retrouve entouré d’une cinquantaine de Cronache Birmane ouvert à la page de garde. Et c’est à qui jouera le plus du coude pour se faire immortaliser sa copie avant l’autre. Devant cette cohue, on m’installe dehors sur une table à café branlante. Le livre posé sur les genoux et avec le soleil qui tape, je m’exécute avec application. J’ai chaud, j’ai soif et au bout d’une cinquantaine de dédicaces, j’en ai ma claque. Mais bon, je me dis qu’avec un petit contact personnel avec chacun d’entre eux, je mets toutes les chances de mon côté pour le prix.
Finalement, pas du tout, j’ai perdu. Je l’ai appris à mon retour, une semaine plus tard. Dommage, il y avait aussi une enveloppe de 5 000 euros pour l’heureux élu.

Rome II

Pour me rendre en Italie, j’ai un vol direct avec El Al, la compagnie Israélienne bien connue pour avoir des contrôles de sécurité très poussés. J’ai dû affronter leurs agents auparavant et cette fois-ci, j’ai tout préparé. J’ai l’adresse et le numéro de téléphone de mon hôtel, la lettre d’invitation du festival et celle aussi de mon éditeur, les emails échangés pour l’achat du billet, une photo de ma compagne et de mes deux enfants.

Dans la file d’attente pour le check-in, un premier agent m’interpelle. J’essaie d’avoir l’air détendu. On me pose quelques questions d’usage. Vient alors le : Vous habitez où à Jérusalem ? Dans l’est. Où exactement ? Beit Hanina (sous-entendu chez les arabes). Oups! Ça c’est pas bon. Et votre femme elle travaille où ? Euh… en Cisjordanie. Je commence à être un peu moins décontracté que tout à l’heure. Oui, mais où en Cisjordanie ? A Naplouse et un peu à Gaza. Oups! Là, c’est pas bon du tout. Elle me colle un plastique vert derrière mon passeport avec un numéro qu’elle encercle. Have a nice flight. Merci.
Un peu plus loin pour le vrai contrôle, ça ne loupe pas, à la vue de mon passeport, j’ai droit au chef de sécurité qui me repose les mêmes questions. Deux fois, il me demande le nom de ma compagne. Je n’ai rien à me reprocher alors je reste parfaitement calme mais après une demie-heure, la fatigue commence à se faire sentir et je souris beaucoup moins. Tout ça se termine dans les bureaux, derrière les comptoirs d’enregistrement, à surfer sur l’ordinateur de la sécurité pour leur montrer le site du festival à Rome, mon site à moi avec mes albums et même ce blog avec les dessins de Beit Hanina. Tant qu’à y être.

Finalement, c’est bon, je passe. Ça sera nettement plus compliqué à mon retour mais ça je ne le sais pas encore.

Rome I

Je suis nominé pour un prix dans un festival à Rome. Du coup, mon éditeur m’y invite au cas où je gagnerais. O joie ! Je n’ai jamais mis les pieds dans la capitale italienne.

elal

A l’aéroport de Tel Aviv, pendant que je dessine ce croquis, je ne peux pas manquer d’observer un juif orthodoxe qui se balance, debout, tout près de la fenêtre. J’ai vu la même chose devant le mur des lamentations, il doit donc être en train de prier. Tiens donc, ses prières doivent être destinées à l’avion qui est en face de lui. Ça tombe bien, c’est aussi celui que je vais prendre. Soudain, j’ai presque envie d’aller l’encourager.

Anglophone

J’ai passé plusieurs jours à travailler sur une version anglaise de mon site. Pour les anglophones qui lisent ce blog (il doit pas y’en avoir beaucoup) et les curieux, c’est par ici.